Matin de décembre
On s'éveille
du coton dans les oreilles
une petite angoisse douce
autour du cœur, comme mousse
c'est la neige,
l'hiver blanc
sur ses semelles de liège
qui nous a surpris, dormant.
Guy-Charles Cros
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Décembre
Un brouillard épais noie
L'horizon où tournoie
Un nuage blafard,
Et le soleil s'efface,
Pâle comme la face
D'une vieille sans fard.
La haute cheminée,
Sombre et chaperonnée
D'un tourbillon fumeux,
Comme un mât de navire,
De sa pointe déchire
Le bord du ciel brumeux.
Sur un ton monotone
La bise hurle et tonne
Dans le corridor noir :
C'est l'hiver, c'est décembre,
Il faut garder la chambre
Du matin jusqu'au soir.
Les fleurs de la gelée
Sur la vitre étoilée
Courent en rameaux blancs,
Et mon chat qui grelotte,
Se ramasse en pelote
Près des tisons croulants.
Théophile Gautier
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L'ennemi
Il y aura toujours dans l'automne
Une pomme sur le point de tomber.
Il y aura toujours dans l'hiver
Une fontaine sur le point de geler.
l'ennemi
Nous le connaissons.
Eugène Guillevic
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La bise
Va-t'en, me dit la bise,
C'est mon tour de chanter.
Et tremblante, surprise,
N'osant pas résister,
Fort décontenancée
Devant un Quos ego,
Ma chanson est chassée
Par cette Virago.
Pluie. On me congédie
Partout, sur tous les tons.
Fin de la comédie.
Hirondelles, partons.
Grêle et vent. La ramée
Tord ses bras rabougris ;
Là-bas fuit la fumée
Blanche sur le ciel gris.
Une pâle dorure
Jaunit les coteaux froids.
Le trou de ma serrure
Me souffle sur les doigts.
Victor Hugo
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Couchant d'hiver (extrait)
Quel couchant douloureux nous avons eu ce soir !
Dans les arbres pleurait un vent de désespoir,
Abattant du bois mort dans les feuilles rouillées,
A travers le lacis des branches dépouillées
Dont l'eau-forte sabrait le ciel bleu-clair et froid,
Solitaire et navrant, descendait l'arbre-roi.
Ô Soleil ! l'autre été, magnifique en ta gloire,
Tu sombrais, radieux comme un grand Saint-Ciboire,
Incendiant l'azur ! A présent, nous voyons
Un disque safrane, malade, sans rayons,
Qui meurt à l'horizon balayé de cinabre,
Tout seul, dans un décor poitrinaire et macabre,
Colorant faiblement les nuages frileux
En blanc morne et livide, en verdâtre fielleux.
Vieil or, rose fané, gris de plomb, lilas pâle,
Oh ! c'est fini, fini ! Longuement le vent râle,
Tout est jaune et poussif ; les jours sont révolus,
La Terre a fait son temps ; ses reins n'en peuvent plus.
Jules Laforgue
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